SAINT PAUL  -  Paul de Tarse

Paul de Tarse (à l'origine Saül) ou saint Paul pour les chrétiens (né vers l'an 10 à Tarse, en Cilicie (aujourd'hui. Içe, en Turquie) - mort vers 65 à Rome) est l'une des figures principales du christianisme, par le rôle qu'il a joué dans son expansion initiale, et par son interprétation de l'enseignement de Jésus. Selon le Nouveau Testament (livre des Actes des Apôtres et Épîtres de Paul), Paul se revendique comme l'un des apôtres de Jésus-Christ qui, quelques années après sa mort, sa résurrection et son ascension, lui serait apparu et l'aurait converti.  

Résumé

Saint Pierre et saint Paul : On ne peut les séparer. Ils sont les deux piliers de l'Église et jamais la Tradition ne les a fêtés l'un sans l'autre. L'Église romaine, c'est l'Église de Pierre et de Paul, l'Église des témoins directs qui ont partagé la vie du Seigneur. Pierre était galiléen, reconnu par son accent, pêcheur installé à Capharnaüm au bord du lac de Tibériade. Paul était un juif de la diaspora, de Tarse en Asie Mineure, mais pharisien et, ce qui est le plus original, citoyen romain. Tous deux verront leur vie bouleversée par l'irruption d'un homme qui leur dit: "Suis-moi. Tu t'appelleras Pierre." ou "Saul, pourquoi me persécutes-tu? Simon devenu Pierre laisse ses filets et sa femme pour suivre le rabbi. Saul, devenu Paul se met à la disposition des apôtres. Pierre reçoit de l'Esprit-Saint la révélation du mystère caché depuis la fondation du monde: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant." Paul, ravi jusqu'au ciel, entend des paroles qu'il n'est pas possible de redire avec des paroles humaines. Pierre renie quand son maître est arrêté, mais il revient: "Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t'aime." Paul, persécuteur des premiers chrétiens, se donne au Christ: "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi." Pierre reçoit la charge de paître le troupeau de l'Église: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église." Paul devient l'apôtre des païens. Pour le Maître, Pierre mourra crucifié et Paul décapité.

Vie de Saint Pierre

Vie de Paul selon les textes antiques

Les Épîtres pauliniennes donnent quelques renseignements sur leur auteur  :

" Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin. " - (Rom. 11:1).

" Moi, circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d'Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; quant au zèle, persécuteur de l'Église ; irréprochable, à l'égard de la justice de la Loi. " - (Phil. 3:5).

Selon Luc, Paul était issu d'une famille juive de Tarse en Cilicie (située dans l'actuelle Turquie) :

" Je suis juif, reprit Paul, de Tarse en Cilicie, citoyen d'une ville qui n'est pas sans importance. " - (Ac. 21, 39).

Selon Jérôme de Stridon (Saint Jérôme), il serait né en Galilée à Giscala :

" Les parents de Paul étaient originaires de Gyscal, province de Judée, et lorsque toute la province fut dévastée par les armées romaines et les Juifs dispersés dans tout l'univers, il furent transportés à Tarse, ville de Cilicie. Paul, tout jeune encore, suivit ses parents[1]. "

Il serait né autour de l'an 10. Il avait un frère, si on interprète ce qui suit au sens littéral :

" Saluez Rufus, l'élu du Seigneur, et sa mère, qui est aussi la mienne. " - (Rom. 16:13).

Il aurait été, vers douze ou treize ans, envoyé par ses parents à Jérusalem, pour suivre la carrière de scribe et aurait été instruit par Gamaliel. L'expression "aux pieds de Gamaliel" peut aussi signifier que Paul a reçu une éducation selon les principes de ce maître pharisien connu pour une certaine ouverture.

" Je suis juif, né à Tarse en Cilicie ; mais j'ai été élevé dans cette ville-ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l'êtes tous aujourd'hui. " - (Act. 22, 3).

Il fit preuve d'un zèle profond pour sa religion (le judaïsme enseigné selon la tradition des pharisiens) et rejoignit les rangs des persécuteurs des premiers disciples de Jésus de Nazareth. Selon les Actes des Apôtres (ch. 6 et 7), il participa à cette époque à la lapidation d'Étienne, même si lui-même n'en touche pas un mot.

Il aurait obtenu des lettres de recommandation pour rechercher et persécuter les chrétiens à Damas. Selon les Actes des Apôtres, au cours du voyage pour s'y rendre, il rencontra Jésus ressuscité (vers 33). Il sortit de cette rencontre profondément bouleversé et définitivement persuadé que celui qu'il persécutait était le seigneur donné par Dieu pour le salut de son peuple. Ce bouleversement se manifesta sous la forme d'une chute (on ne parle pas de cheval) et par la perte totale de la vue. Trois jours plus tard, il reçut le baptême au nom du Christ par un disciple vivant à Damas, du nom d'Ananie. Il se présente alors lui-même comme un apôtre du Christ, et comme le bénéficiaire de la dernière apparition de Jésus (1 Co 15,8).

Il fut l'apôtre qui favorisa activement, sans en être cependant l'initiateur, l'" ouverture vers les gentils " de l'Église naissante. À cette époque, l'enseignement s'adressait principalement aux Juifs que l'on cherchait à convertir. Aux yeux des premiers chrétiens, qui se sentaient encore juifs, les incirconcis étaient des personnes peu fréquentables, voire impures, et le message du Christ semblait ne pas leur être destiné. Paul, à la suite de Barnabé, alla prêcher chez eux. Selon Luc, au Concile de Jérusalem il réussit à convaincre les autres chefs de la première communauté chrétienne que l'on pouvait être baptisé sans avoir été au préalable circoncis (Ac 21, 18), mais les tensions persistèrent avec le courant mené par Jacques (Ga 2, 11s). Paul, grand voyageur, a fondé et soutenu des Églises dans tout l'Est du bassin méditerranéen, plus particulierement en Asie Mineure. Quand il ne leur rendait pas visite personnellement, il communiquait avec eux par lettres (épîtres).

Son engagement auprès des gentils et ses convictions religieuses lui attirèrent l'inimitié de certains juifs. Il fut arrêté à Jérusalem et manqua d'être lynché. Arrêté par les Romains, il argua de sa Civis Romanus Sum (citoyenneté romaine) pour être jugé non par le Sanhédrin mais par le gouverneur. Celui-ci l'emprisonna durant deux ans à Césarée. Puis, sur la demande de Paul, il fut conduit à Rome pour comparaître devant l'empereur. Une tempête le détourna sur Malte où il resta quelques mois puis il s'installa à Rome, d'abord en liberté surveillée puis complètement libre. Il y mourut décapité (en tant que citoyen romain), probablement en 67, à la suite de l'incendie de Rome (64), et après un procès probable sous le règne de Néron :

" On raconte que, sous son règne, Paul eut la tête coupée à Rome même [...] " (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, II, XXV, 5)

Problématiques concernant la biographie de Paul

Plusieurs aspects de la vie de Paul demeurent mal expliqués : sa double appartenance juive et romaine, sa conversion radicale, ses contacts avec les autorités romaines.

Il connaissait l'araméen et l'hébreu. Mais sa langue maternelle est le grec, et c'est dans la traduction des Septante qu'il lit la Bible. Il ajoute à son nom hébraïque, Saul, le cognomen romain de Paulus. Même si sa culture paraît avoir été assez superficielle, les études récentes ont fait apparaître une bonne maîtrise de la diatribe grecque, tout à fait dans la ligne d'Aristote. Ce qui suppose une éducation sérieuse à Tarse. Il était de famille apparemment aisée, puisqu'elle possédait le droit de cité romaine ; ce qui ne l'a pas empêché, selon une pratique assez courante à l'époque dans les familles juives, et en particulier parmi les rabbins, d'apprendre un métier manuel : les Actes nous apprennent qu'il fabriquait des tentes, c'est-à-dire qu'il était probablement tisserand ou sellier. "

Son arrestation est consécutive au fait d'avoir introduit un païen dans le sanctuaire de Jérusalem ou à sa présence elle-même, ce qui était passible de mort selon la loi juive, mais son état de citoyen romain a empêché qu'il ne soit livré au Sanhédrin et embarrassé les deux procurateurs qui se sont succédé en Judée, et ont fait traîner l'affaire, de même que la juridiction impériale devant qui il demanda à comparaître. La fin de sa vie reste obscure : les Actes des Apôtres se terminent brusquement sur l'indication qu'il est resté deux ans à Rome en liberté surveillée. Il serait mort en 64 lors de la persécution des chrétiens ordonnée par Néron, à moins que, relâché, il ait continué ses activités missionnaires avant d'être de nouveau arrêté, ramené à Rome puis décapité en 67.

La conversion

Paul de Tarse, envoyé à Damas pour persécuter les premiers chrétiens, dit avoir vu le Christ en apparition. Sur le chemin de Damas, il eut la révélation de la foi. Les chrétiens le connaîtront surtout sous son nom romain de Paul, "apôtre des Nations". L'épisode, rapporté dans les Actes des Apôtres, symbolise depuis tout lieu où un retournement subit de convictions permet l'accès à la religion.

Les voyages de Paul

Après sa conversion, Paul séjourne quelque temps à Damas, puis en Arabie, puis à Jérusalem, Tarse, avant d'être invité par Barnabé à Antioche. C'est de cette ville qu'il partira pour ces voyages missionnaires. On peut raisonnablement dater ses voyages dans un intervalle de quelques années de 45 à 58 environ[2].

Premier voyage (estimé de 45 à 49)

C'est un voyage aller-retour qu'il effectue en compagnie de Barnabé et de Jean Marc (cousin de Barnabé). Il visite Chypre, la Pamphylie (Pergé) et prêche autour d'Antioche de Pisidie.

Paul et Barnabé cherchent à convertir des Juifs, prêchent dans les synagogues, sont souvent mal reçus et obligés de partir précipitamment (à cause de leur annonce du salut et de la résurrection en Jésus (Actes 13:15-41) mais pas forcément mal reçus (Actes 13:42-49).

Sur le chemin du retour, ils ne repassent pas par Chypre et se rendent directement de Pergé à Antioche.

Deuxième voyage (estimé de 50 à 52)]

Paul effectue ce deuxième voyage en compagnie de Silas.

Son premier objectif est de rencontrer à nouveau les communautés qui se sont créées en Cilicie et Pisidie.

À Lystre, il rencontre Timothée qui continue le voyage avec eux. Ils parcourent la Phrygie, la Galatie, la Mysie. À Troie, ils s'embarquent pour la Macédoine. Paul séjourne quelque temps à Athènes puis à Corinthe.

Il retourne ensuite à Antioche en passant par Éphèse et Césarée.

Troisième voyage (estimé de 53 à 58)

C'est un voyage de consolidation : Paul retourne voir les communautés qui se sont créées en Galatie, Phrygie, à Éphèse, en Macédoine jusqu'à Corinthe. Puis il retourne à Troie en passant par la Macédoine. De là, il embarque et finit son trajet par bateau jusqu'à Tyr, Césarée, Jérusalem où il est arrêté.

Voyage de la captivité

Le voyage à Rome n'est pas un voyage missionnaire. Cependant, l'action d'évangélisation de Paul est rapportée en Ac 28, 30-31. C'est au cours de ce voyage qu'il s'arrête dans l'île de Malte. Après il débarque à Reggio (Ac 28, 13) et il serait arrivé à Rome vers le milieu de l'an 61. On aurait permis à Paul de vivre dans une maison privée sous la garde d'un soldat, avec l'assistance de l'esclave Onésime (Phil 8-19). D'après une ancienne tradition, l'Apôtre vécut dans une maison louée près du méandre du Tibre, sur sa rive gauche, à la hauteur de l'Île Tibérine, zone très peuplée où il y avait de nombreux Juifs. Des fouilles archéologiques ont permis d'identifier qu'ils étaient tanneurs, pour la plupart. Ce logement se situerait à l'emplacement l'église San Paolo alla Regola, la seule se trouvant à l'intérieur du Mur d'Aurélien qui soit dédiée à l'apôtre. La présence d'un silo spacieux, évoqué dans des documents du 2e siècle décrivant la demeure de Paul, explique que, dès son arrivée dans la ville, l'apôtre ait pu convoquer chez lui un grand nombre de juifs qui vivaient à Rome pour leur annoncer le royaume de Dieu[3]

Les Épîtres pauliniennes

Dans la tradition néotestamentaire, 14 Épîtres sont attribuées à Paul (13 l'étant explicitement, la quatorzième, aux Hébreux, étant anonyme) :

* Épître aux Romains

* Première épître aux Corinthiens

* Seconde épître aux Corinthiens

* Épître aux Galates

* Épître aux Éphésiens

* Épître aux Philippiens

* Épître aux Colossiens

* Première épître aux Thessaloniciens

* Deuxième épître aux Thessaloniciens

* Première épître à Timothée

* Deuxième épître à Timothée

* Épître à Tite

* Épître à Philémon

* Épître aux Hébreux

L'épître aux Hébreux mise à part, on peut grouper  ces lettres selon les thèmes traités et l'époque à laquelle elles auraient été écrites :

* lettres à dominante eschatologique (les deux lettres aux Thessaloniciens ; la première aux Corinthiens)

* lettres traitant de l'actualité du salut et de la vie des communautés (les deux lettres aux Corinthiens, lettres aux Galates, aux Philippiens et aux Romains)

* lettres dites " de captivité " (l'Épître à Philémon date de cette époque) qui parlent du rôle cosmique du Christ (Co ; Eph), parfois attribuées à un disciple ;

* lettres dites " pastorales ", traitant de l'organisation des communautés (épîtres 1 et 2 à Timothée et celle à Tite), (dont l'attribution est contestée)

D'après un passage de l'épître aux Romains, les épîtres auraient été dictées à un secrétaire[4]). On sait en effet que l'écriture n'était pas chose aisée et que les écrits étaient dictés à un ou plusieurs scribes.

Le discours paulinien a un aspect très répétitif. Cette parole insistante a souvent été comparée à la parole d'un bègue. Bossuet par exemple écrivait que les beaux esprits ont appris "à bégayer humblement dans l'école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul" ? Renan, quant à lui se demandait : "Le style de saint Paul (...), qu'est-il, à sa manière, si ce n'est l'improvisation étouffée, haletante, informe, du "glossolale" ? (...). On dirait un bègue dans la bouche duquel les sons s'étouffent, se heurtent et aboutissent à une pantomime confuse, mais souverainement expressive.[5]"

Authenticité

L'attribution des lettres de Paul n'a pas été remise en question avant 1840, quand les travaux de l'allemand Ferdinand Christian Baur l'amenèrent à n'accepter que quatre lettres comme authentiques (Romains, Corinthiens 1 & 2, et Galates). Si les courants exégétiques de la critique radicale estimèrent longtemps que rien des lettres de Paul n'était authentique, les théologiens Hilgenfeld (1875) et H. J. Holtzmann (1885) rajoutèrent à la liste de Baur les épîtres à Philémon, aux Thessaloniciens 1 et aux Philippiens, pour constituer ce qui est généralement considéré aujourd'hui comme les sept " lettres inconstestées " de Paul ou épîtres " proto-pauliniennes ". De nos jours, l'authenticité ou l'attribution des autres est plus ou moins discutée. On distingue classiquement :

Les épîtres " proto-pauliniennes "

Elles sont considérées comme étant de Paul, avec des dates de rédaction allant de 51 (la première aux Thessaloniciens) à 55 (pour la première aux Corinthiens).

Les épîtres " deutero-pauliniennes "

Ces trois lettres seraient de compagnons de Paul sans qu'on puisse les identifier.

En 2000, la question de l'authenticité des épîtres se présente comme suit :

* L'Épître aux Colossiens est considérée comme pseudépigraphique par 60 % des exégètes. La raison essentielle tient au fait que la ville de Colosse n'existait plus lorsqu'elle fut rédigée ;

* L'Épître aux Ephésiens est considérée comme pseudépigraphique par 80 % des exégètes. C'est une réécriture de l'épître aux Colossiens développant le prolongement de l'action du Christ Sagesse de Dieu dans l'Église ;

* Pour la 2e Épître aux Thessaloniciens, les avis sont partagés de manière égale.

Ces statistiques évoquées par Régis Burnet sont reconnues par la communauté scientifique dans son ensemble

Les épîtres " trito-pauliniennes " ou " épîtres pastorales "

Ces trois lettres seraient de " successeurs " de Paul : il est très généralement admis par les exégètes (par exemple Raymond E. Brown) que les épîtres " pastorales " sont des pseudépigraphes[6].

L'épître aux Hébreux [

Depuis 1976 et les travaux de Albert Vanhoye, il est admis que l'épître aux Hébreux n'est pas une épître, mais un traité, qu'elle n'est pas adressée aux Hébreux et n'est pas de Paul.

Les raisons de la pseudépigraphie

Selon Régis Burnet[7], " évolue la réflexion sur les raisons de la pseudépigraphie, jusqu'ici dominée par la recherche d'excuses aux rédacteurs quant aux raisons pour lesquelles ils se parent des plumes du paon pour habiller leurs écrits. Les théories de l'excuse d'un canon qui porte la tromperie comme marque d'infamie se répartissent en 3 groupes :

* "la notion d'œuvre donc la propriété intellectuelle n'existait pas dans l'Antiquité"... c'est faux (se reporter aux Sophistes, à Platon se proposant de brûler l'œuvre de Démocrite ;

* "la notion d'autorité n'existait pas : c'étaient des écoles d'auteurs"... en ce qui concerne les proto-pauliniens, il n'y a aucune trace d'école, c'est bien une autorité qui s'exprime.

* "les rédacteurs n'avaient pas conscience d'être auteurs mais seulement d'être inspirés, possédés par la divinité..." : si l'on suit ce raisonnement, Paul qui écrit en son nom a moins de légitimité que ceux qui le contrefont... Ce raisonnement n'est pas très solide vu le sort qu'on fait à Paul dans la plupart des églises chrétiennes. "